Depuis Copenhague


Etant donné la pauvreté du débat de cette présidentielle, je crains le pire pour la prochaine. Parce que clairement, c’est de pire en pire à chaque scrutin ! J’en ai parlé un peu, lors d’un voyage de groupe à Copenhague que j’ai fait (juste avant le 23 avril). Et tout le monde admettait que si nous nous retrouvions avec un duel Macron-Le Pen, les coups voleraient bas. Mais pas à ce point. Le cas Whirlpool m’a vraiment contrarié. On parle tout de même de presque 300 personnes à qui l’on a annoncé une délocalisation prochaine. Bref, un exemple parfait des difficultés soulevées par la mondialisation. Cette situation était un enjeu non négligeable pour chaque camp. Pour le partisan du libre-échange, c’était bien sûr une situation empoisonnée. Par contre, Marine Le Pen s’est vue là offrir une chance de tirer à boulets rouges sur son adversaire. Mais la manière dont ils ont conduit leurs petites affaires est tout à fait effarante. Que Marine Le Pen puisse se pointer à l’improviste sur le site de Whirpool juste pour une séance photos est réellement choquant. De toute évidence, c’était une grossière opération de com’ sans rien d’autre derrière. La châtelaine n’en avait rien à carrer des ouvriers, et elle leur a tenu un discours surréaliste. Puis Macron a été forcé de contre-attaquer et gagner l’usine, où il a, comme prévu, été bousculé. Il a eu beau faire face et rester plus d’une heure avec les salariés, les citoyens qui ont découvert l’affaire à 20 heures ont davantage retenu au final le bain de foule de son opposante. Parce que désormais, un candidat est élu grâce à des trucs comme ça ! Ce n’est plus le politique ayant le programme le plus cohérent qui est élu : c’est celui qui a la plus chouette équipe de communication… A part ça, ce voyage de groupe était superbe. Si vous n’y êtes jamais allé, ça vaut le coup d’oeil ! Voici l’agence où j’ai trouvé ce voyage, si le coeur vous en dit. Retrouvez toutes les infos sur ce voyage groupe au Danemark en suivant le lien.

copenhague



Les recrutements de la DGSE


«La France recrute une nouvelle génération d’espions.» La Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE) affiche ce titre en une de son site web. «Près de 600 agents» d’ici 2019, d’après un article du Figaro datant de février dernier, voire même 1200 d’après un reportage diffusé sur M6 la semaine dernière. «En quinze ans», souligne le Figaro, et «alors que les budgets publics sont corsetés, ses effectifs ont bondi de 30% pour atteindre désormais les 6 400 agents». «Les candidatures spontanées se sont multipliées ces deux dernières années», du fait des attentats terroristes, mais pas seulement, précise M6 de son côté. La DGSE a en effet entamée une véritable «opération de séduction» visant à redorer son blason. Avec de nombreux articles pour détailler les besoins de recrutement (voire les conditions de travail de ses agents): un jeu-concours à destination des lycéens, plusieursexpositions, sans oublier, bien évidemment, le succès de la série télé Le Bureau des légendes sur Canal+, dont la saison 3 a commencé ce 22 mai. En 2011, Le Figaro magazine consacrait un article au nouveau visage des espions français. En 2012, aux espions français en quête de notoriété. En 2013, au nouveau profil des espions. À la veille du 14 juillet 2014, et «pour la première fois de (son) histoire», la DGSE ouvrait «en exclusivité ses portes au Figaro Magazine pour une immersion exceptionnelle», et un reportage de pas moins de douze pages (.pdf) intitulé «Au coeur de nos services secrets». En février 2015, Le Figaro Madame: «Exclusif: 24 heures dans la vie d’une espionne de la DGSE». Malgré les efforts de féminisation entrepris ces dernières années, les femmes –dont le nombre avait triplé depuis la démilitarisation de la DGSE en 1990– ne représentaient en effet que 26% de ses effectifs. En 2016, toujours dans Le Figaro «La DGSE encourage la vocation des “briseurs” de codes secrets (.pdf)» puis, en 2017, «Comment la France recrute ses espions (.pdf)», et notamment comment elle va jusqu’à «draguer à la sortie des universités et des écoles d’ingénieurs des spécialistes du traitement du signal, des crypto-mathématiciens voire de petits prodiges du “hacking”». La DGSE est tellement fière de la couverture médiatique qui lui est consacrée qu’elle republie sur son propre site web la quasi-totalité des articles consacrés à ses besoins en matière de recrutement, tout en les concluant étrangement par un laconique: «Sources : DGSE / Droits : DGSE», sans même masquer le fait qu’il s’agit d’une opération de communication. Celle-ci avait entamé cette «opération de séduction» en 2008, afin de recruter 690 nouveaux espions d’ici 2014: «420 ingénieurs et techniciens de haute volée, experts en sécurité informatique, crypto-mathématiciens, biologistes, chimistes ou encore interprètes en traitement numérique du signal», plus «près de 270 experts dans l’exploitation du renseignement humain, essentiellement géopolitologues, linguistes parlant le pachtoun ou le syro-libanais, historiens ou experts en relations internationales, ils sont tout droit sortis de Sciences Po, de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) ou encore d’un cursus d’histoire». Des dizaines d’articles ont été consacrés à ces centaines de recrutements en cours à la DGSE. En 2011, le magazine L’étudiant y consacrait un dossier: «Métier d’espions, comme dans James Bond ?». La DGSE va même jusqu’à draguer les lecteurs de Métro, avec unarticle intitulé «Devenez espion d’État», paru en 2013, qui commençait par expliquer que «contrairement à l’agent 007, les espions de la DGSE ne font pas que des “James Bonderies”», mais qui n’en était pas moins illustré par une photo de… James Bond. Le blog de RegionsJob a carrément classé son article sur le fait que «les services secrets français recrutent près de 600 agents» dans sa catégorie «job de rêve». La DGSE ouvre de nouveau, en avril 2015, et tout aussi «exceptionnellement», ses portes au JDD. Consacré aux jeunes espions de l’après-Charlie, l’article avançait que «depuis les attentats de janvier, le nombre de candidatures spontanées à la DGSE a triplé tandis que le budget de recrutement continue d’augmenter». «Avant, on recevait une trentaine de candidatures par jour, aujourd’hui environ une centaine», explique alors Vincent Nibourel, le directeur adjoint de l’administration de la DGSE, en charge du recrutement, tri qualifié d’«impitoyable» par le JDD: «Toute idée de “jamesbonderie” est évidemment ici évincée, poursuit le recruteur de futurs espions. Certes, nous faisons un métier anormal mais comme des gens normaux et avec une éthique qui ne souffre aucune entorse ; un métier de voyous, peut-être, mais comme des gentlemen.» Avant de préciser: «On ne cherche pas des croisés pour se battre contre les djihadistes mais des jeunes qui comprennent le monde». Dans un entretien au Point au sujet du Bureau des légendes, la série de Canal+ qui a notablement contribué à redorer l’image de la DGSE, Matthieu Kassovitz raconte que le DRH de la DGSE lui avait expliqué qu’«on n’engage pas des fanatiques» et que «“patriote” était un mot dangereux»: «Ils engagent des gens capables d’avoir une réflexion intellectuelle, philosophique. Ce sont des gens ordinaires en surface mais tous les opérateurs de la DGSE ont une réflexion philosophique très poussée. Ce sont des gens qui se couchent tous les soirs à se poser des questions morales et éthiques.» Pour autant, les jeunes recrues, issues d’une génération «très scotchée à Facebook, Twitter et aux Copains d’avant», doivent aussi désapprendre à communiquer, à en croire Vincent Nibourel: «Il leur faut tout désapprendre pour réapprendre». «Le défaut des jeunes de cette génération par rapport à leurs prédécesseurs? Ils ne sont pas assez paysans!», ironise le colonel en charge de la formation des jeunes recrues de la DGSE, pointant du doigt le fait qu’il ne seraient pas assez débrouillards, certains arrivant sans avoir passé le permis de conduire, sans non plus savoir changer une roue.