Le silence


Le silence attend. Le silence, la plus fidèle chose qui m’ait enlacée dans la vie. Plus grand que moi, au fur et à mesure de ma croissance, il croissait, lui aussi, semblait toujours vouloir m’écouter; nous nous taisions ensemble, et je me retrouvais toujours la même entre ses bras, sans stature, sans âge, créée par le silence même, peut-être par un sien désir immuable, ou peut-être non encore née, larve qu’il protégeait. Une fois encore, je suis seule, je suis loin, et autour de moi tout se tait. Loin est qui m’aime, qui peut-être, cette nuit, est sur le point de disparaître et me bénit, ayant cru en moi. Loin, ceux que j’ai fait souffrir et ceux qui m’ont fait souffrir, ceux qui voudraient m’oublier et ne savent pas qu’ils ne m’ont pas encore connue. Et il y a des coins où je ne suis pas attendue, et où sont et palpitent d’autres tourbillons de lumière et d’ombre. Le silence les encercle en vain. Sur les eaux tranquilles, là-bas à travers les joncs, les étoiles reposent. Pourquoi dois-je te céder, ô mon fidèle? Toi qui, de mes inutiles questions si répétées à travers mes sanglots, faisais dans mon coeur d’inattendus frissons de mélodie, quand je regardais fixement jusqu’à la torture des formes dociles et inconscientes d’elles-mêmes, quelque tison se consumant, quelque branche secouée par le vent, un bout de mur blanc ou une allégorie de voiles, ailes sur la mer… Je suis seule, nul souffle que le mien n’agite la flamme de cette petite lampe. Dehors, dans l’obscurité, quelque chose s’efface, meurt petit à petit. Egalement éloignées de moi la mort et la vie, si enfin je parle. Mais comme si cette heure, toutefois, était ma dernière heure Comme si je ne devais jamais plus me retrouver neuve sous la caresse de l’air. C’est notre heure, ô mon fidèle, heure immobile, comme les eaux, là-bas, à travers les joncs où les étoiles reposent.


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